De proche en proche, tissons des liens avec le quartier
De proche en proche, tissons des liens avec le quartier
Mai 2022, par Maëlle Kahan
Un article du magazine Symbioses n°135 : Eduquer à l’environnement en maternelle
L’école s’implante nécessairement au sein d’une rue, d’un quartier, d’une ville ou d’un village, dans un tissu d’héritages qui s’entrecroisent (historique, géographique, social et culturel). L’enfant, pour se rendre à l'école, y passe, mais pourrait très bien ne pas le voir.
Telle une goutte tombée à la surface de l’eau, qui génère des cercles de plus en plus grands, les initiatives présentées ici encouragent à partir de l’enfant pour agrandir avec lui ses zones d’appartenance et prendre le temps de coudre ce tissu d’interdépendances que représente un quartier.
Entre les curieux rochers appelés « les tartines », la place Leblanc, le musée, l’Ourthe, le donjon de Montuy ou encore la tour Saint-Martin, se baladent régulièrement les élèves de Silvia Cimarosti et Janik Pahaut, institutrices à l’école Saint-Joseph de Comblain-au-Pont.
Les deux enseignantes disposent de nombreuses pistes pour entraîner les élèves de maternelle (toutes années confondues) dans les mailles du quartier. Une fois la rue entre l’école et la place Leblanc descendue, les petits reçoivent une photo d’une des façades de la place, qu’ils doivent identifier. Ils apprennent ainsi le vocabulaire lié aux institutions et constructions présentes et leurs fonctions (église, bâtiment communal, office du tourisme, Maison des découvertes, donjon de Montuy, commerces, fontaine). Ce jeu de paires peut aussi être réalisé avec les échoppes du marché.
Ensuite, du haut de la tour Saint-Martin et de son cimetière, les élèves observent le village. Cette vue panoramique permet d'analyser la typographie du paysage, ses reliefs, ses cours d’eau. Le long de l’Ourthe se trouvent par exemple d’étranges tranches de pierres : ces rochers « tartines » donnent un cachet particulier au village dont les enfants se régalent. « Quand on est allés cueillir de la rhubarbe chez un habitant, on les voyait depuis son jardin. Les enfants n’ont pas manqué de nous les montrer », explique Silvia.
Culture commune
Une manière d’identifier les éléments-clés d’une promenade peut être de se demander « Qu’est-ce qui fait culture commune au sein du quartier de mon école ? Qu’est-ce qui peut devenir un repère collectif ? » Par exemple, telle statue ou tel bâtiment. En parallèle à cette identification préalable, il est aussi pertinent de laisser la classe développer sa propre vision. Les élèves s’arrêteront peut-être sur un élément anodin du paysage, une bouche d’égout ou une borne d’incendie, et c’est intéressant de valoriser ce qui les interpellent spontanément. Ainsi, le patrimoine se relie aux infrastructures, les liens se tissent.
« On a eu énormément de chance, car en même temps que notre projet de découverte du quartier, se tenait sur la place une exposition d’un artiste de la région ayant peint le quartier. Une belle occasion de l’aborder avec un angle artistique ! », se réjouit Janik. La visite a permis de relier expression artistique, culture et histoire du village. Une fois dans les salles d’exposition, les enseignantes invitaient les élèves à retrouver dans les tableaux un élément caractéristique du village (le marché, l’église, la rivière ou la tour) et à se placer dessous. « Certains élèves ne vont au musée qu’avec nous… Ce qui est beau, c’est qu’après, certains d’entre eux y sont retournés avec leurs parents. En ce sens, il y a un vrai ancrage dans le quartier ! », continue Silvia.
Le quartier dans la salle de classe
Une fois de retour en classe, les découvertes se prolongent et s’intègrent au paysage de la classe : « Les enfants sont invité·es à faire un dessin libre sur ce qui les a marqué·es, et nous, on imprime les photos et on en fait des panneaux qui rejoignent les dessins aux murs. On propose aussi des jeux de classement sur base de photos pour différencier les paysages ruraux des paysages urbains, ou de faire du traitement de données : y a-t-il plus d’enfants de la classe qui habitent dans le centre ou dans les hameaux ? », expliquent-elles.
Ainsi, par l’intégration de ce qui se vit entre le domicile et l’école, cette dernière ne se limite plus à un lieu pour apprendre, elle devient un bâtiment d’un quartier, avec son histoire, son patrimoine, ses habitant·es, auquel les élèves se sentent appartenir. Leur champ de vision s’élargit et, espérons-le, leur ouverture aux apprentissages et aux autres.
Photos : Ecole Saint-Joseph de Comblain-au-Pont