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Article Symbioses

Le littoral côté nature et côté expo

Le littoral côté nature et côté expo

Le littoral côté nature et côté expo

Mai 2022, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°134 : Mer du Nord Apprendre le large


Animations et labos sur la plage, exposition interactive, balades guidées dans les dunes… : autant de façons de sensibiliser petit·es et grand·es aux richesses naturelles et aux fragiles équilibres de la mer du Nord. Reportage au centre Duinpanne, à La Panne.

 


Digue de mer, La Panne, 9h15. Mireille Malfait, guide-nature recrutée par le centre provincial Duinpanne, scrute la mer : « Elle est très calme. Il n’y aura pas beaucoup de coquillages. » De la rue lui parviennent des cris d’enfants enjoués. Sa mission est de leur faire découvrir l’estran (la zone située entre les lignes de marées haute et basse), en particulier ses habitants.

Tout attise la curiosité des élèves de l’Institut Saint-Joseph (Charleroi). A commencer par « ces petites bosses dans le sable mouillé ». Elles sont formées par les vagues, explique Mireille. Et ces mini-tubes ? Et ces tortillons, « berk, c’est des crottes ? » Ce sont les traces visibles de vers qui vivent cachés dans le sable. A la loupe, les enfants observent une sorte de branche : « Une colonie de polypes – de petits animaux. On l’appelle sapin de mer », raconte la guide. Un cri : « Lààà, ça bouge ! » Admiration générale devant l’ophiure, cousine de l’étoile de mer.

Patiemment, Mireille donne des explications et des anecdotes sur ces animaux insolites. Mais petit à petit, l’attention des enfants s’évapore : l’irrésistible envie de courir sur la plage, sauter et triturer le sable prend le dessus. Hop, l’animatrice intercale des activités plus ludiques et physiques : imiter la marche du crabe (voir photo ci-dessous) ou le vol de la mouette, former ensemble un banc de moules, dessiner sur le sable, jouer à touche-touche version moules et étoiles de mer... (1)

« Ils sont émerveillés par tout ce qu’ils voient ici, commente une institutrice. Certains n’étaient jamais venus à la mer. » Un enfant lui montre son trésor du jour. Il sait désormais que cette grappe blanche qui ressemble à une éponge, ce sont les capsules d’œufs d’un escargot de mer !

Reconnexion à la nature 

A deux kilomètres de là, au centre provincial Duinpanne, d’autres groupes découvrent la mer du Nord sous divers angles. Dans ce chaleureux lieu d’éducation à l'environnement lové entre bois et dunes, ce jour-là, on croise des élèves des quatre coins du pays. Les un·es partent en balade à la découverte des différents milieux dunaires, d’autres explorent l’expo Sea Change, et une classe réalise des expériences scientifiques. On aurait aussi pu croiser des ados en ciré et cuissardes, filet de pêche sur l’épaule, prêts à se mouiller pour découvrir un échantillon de la biodiversité marine ; et d’autres  en route vers un « labo de plage », pour observer au microscope le plancton, base de la chaîne alimentaire, et les micro-plastiques qui polluent la mer. Mais aussi des enseignant·es en formation, une famille effectuant une chasse aux trésor autour de l’étang, ou encore, loin du brouhaha, un groupe d’adultes occupé à prendre un « bain de dunes » : une promenade axée sur l’éveil des sens et de l’attention, visant la (re)connexion à soi et à la nature.

« Il y a une forte demande d’animations, surtout après le Covid », indique Claude Willaert, collaborateur éducatif à Duinpanne. Les classes et activités de mer axées sur l’environnement ont le vent en poupe. Comment explique-t-il ce succès ? « Il y a une conscience accrue des bienfaits du contact avec la nature et de l’éducation en pleine nature – surtout pour les publics qui habitent en ville. Or, le littoral offre beaucoup de possibilités, et la mer a un effet apaisant, positif sur notre santé et notre état d’esprit. C’est ce qu'on appelle le “blue mind” (2). Le paysage ouvert (on voit, loin, l’horizon), le mouvement et le bruit de l’eau, l'association avec des souvenirs agréables, tout cela joue. » En outre, poursuit-il, « les effets du changement climatique sont de plus en plus concrets, même en Belgique. Les gens comprennent qu’il faut collaborer avec la nature. » Par ailleurs, l’offre de lieux et d’activités liés à l’environnement s’étoffe, au fil des années, observe-t-il, de La Panne à Knokke en passant par Ostende ou Coxyde (voir Adresses utiles).

Loin des yeux, loin du cœur

« Notre mission, explique Claude Willaert, est de sensibiliser les gens aux écosystèmes du littoral belge, en leur donnant des connaissances, des outils et des expériences. II s’agit aussi de les sensibiliser aux impacts des comportements humains sur la mer (pollutions, etc.), et au rôle que joue la mer dans leur vie quotidienne (nourriture, transport, énergie, climat…). Et cela, même quand ils habitent à l’intérieur des terres, loin de la mer. » 

Il n’est pas si évident de se sentir connecté·e au milieu marin, quoi qu’il en soit : « L’humain ne vit pas dans la mer (ni dans le sable), il ne voit pas ce qui s’y passe, il se sent moins concerné », note Valérie Vandenbussche, attachée au centre Duinpanne et chercheuse dans le domaine de l’environnement.

De surcroît, nous connaissons mal la biodiversité de la mer du Nord belge. Les images de vie marine véhiculées par l’imaginaire collectif sont généralement exotiques : coraux tropicaux, poisson-clown, pieuvre géante…

La mer du Nord sous toutes les coutures

La faune et la flore de la mer du Nord, l'exposition permanente Sea Change propose justement de s’y immerger durant quelques minutes. Un film sur grand écran dévoile des êtres gracieux et intrigants : anémone plumeuse, groseille de mer, méduse aurélie, marsouin… La sole limande et la moule ne suscitent pas moins d’intérêt : « Je ne les avais jamais vues vivantes !, s'enthousiasme un jeune Bruxellois. Et je ne savais pas qu'il y avait des phoques chez nous ! » Les chaînes alimentaires marines et le rôle de filtre d’eau de mer joué par la moule sont également au menu de cette salle dédiée à la biodiversité.

Par ailleurs, Sea Change aborde les fonds marins, le dérèglement climatique, la pollution, ou encore les différents usagers de la mer du Nord belge. Visiteurs et visiteuses visualisent l’impressionnante concentration d’activités sur ce territoire restreint : pêche et aquaculture, trafic maritime – « une véritable autoroute ! » –, production d’énergie, extraction de sable, usages militaires… Dans la salle-labo consacrée à la pollution (chimique, plastique et sonore), ils enquêtent sur les causes possibles du décès d’un petit rorqual retrouvé mort dans les eaux belges.

Chacun·e, enfant ou adulte, devrait trouver son compte dans cette expo interactive qui mêle supports écrits et audio(visuel)s, écrans tactiles et activités de manipulations. Les groupes scolaires la parcourent en cherchant les réponses à une série de questions et défis. « Grâce à cela, ils accrochent bien ! », témoigne une institutrice.


(1) Des activités et anecdotes recensées dans le carnet Concombre de mer, téléch. sur www.west-vlaanderen.be/avec-votre-classe-duinpanne et en vente (14,95) € à Duinpanne. 
(2) Il fait l’objet de recherches, notamment à l’Institut flamand de la mer (VLIZ). Lire Blue Mind’ wat de zee met ons doet sur www.vliz.be.

Symbioses 134 Mer du Nord

Photo: Sophie Lebrun


Culture et nature sans frontières

Le centre Duinpanne multiplie les projets avec des partenaires français, en particulier avec le CPIE-Flandre Maritime (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement) situé à 10 km de là. « La nature n’a pas de frontière. Nous partageons le même biotope. Nous échangeons sur nos pratiques », souligne Claude Willaert. Ces collaborations transfrontalières bilingues profitent notamment aux publics wallons et bruxellois intéressés par la mer du Nord, puisqu’elles débouchent, entre autres, sur la publication d’outils et brochures en français (3) et la formation d’animateurs et animatrices-nature “littoral” francophones – des ressources qui s’avèrent rares du côté belge.

Le Carnet de Jo & Rosalie qui vient de paraître est le fruit d’une telle collaboration, en l’occurrence entre le centre provincial Duinpanne, la Ville de Dunkerque et la commune de La Panne. Ce livret éducatif aborde l’histoire d’une région transfrontalière, celle de la Mer du Nord de Dunkerque à La Panne, avec pour fil conducteur la rencontre entre deux adolescentes vivant actuellement dans ces villes. Jo(séphine) et Rosalie partagent, par mail, leurs découvertes sur leurs ancêtres, et sur la (rude) vie des pêcheurs et de leurs familles au début du XXe siècle – notamment sur le rôle essentiel joué par les femmes. Quand le confinement Covid s’assouplit, elles se font visiter l’une l’autre leurs villes et s’initient à la biodiversité dunaire.

Le carnet alterne des extraits de leurs échanges, des documents historiques (photos, témoignages…), lexiques, petits jeux, et pistes pour approfondir ces thématiques. Il nous invite à tisser des liens: entre passé et présent, au-delà des frontières linguistiques et culturelles, et avec la nature.

« Il donnera lieu à de multiples projets dans les écoles des communes partenaires, dans les maisons de quartier et au centre Duinpanne : animations, balades,  rencontres… », expliquent Valérie Ducrocq, chargée de mission à la Ville de Dunkerque, et Valérie Vandenbussche (centre Duinpanne et commune de La Panne). Mais ce carnet téléchargeable, pensé pour les 9-13 ans et les familles 2, intéressera aussi des publics d’autres régions, en quête de thématiques pour se relier à la Mer du Nord. 


(3) Les laisses de mer, de Gravelines à Cadzand, pour comprendre leur rôle écologique et surtout se familiariser avec les mollusques, coquillages et autres méduses qu’on y trouve (5 €).

Symbioses 134 Mer du Nord

Photo : Sophie Lebrun

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